Pour concevoir un projet en gardant en tête une démarche éco-responsable, il y a selon moi trois piliers qui entrent en jeu :
L'exécution des travaux
C’est finalement la partie qui nous concerne le moins, ou plutôt devrais-je dire, sur laquelle on a moins la main, puisqu’on intervient uniquement en tant que chef d’orchestre et non plus en tant que compositeur ou musicien. En revanche, c’est une phase dans chaque projet, qui peut coûter beaucoup en énergie si c’est mal géré, alors qu’on peut encore avoir un rôle à jouer dans notre démarche d’éco-responsabilité.
Avant tout, il y a le choix des artisans. Si on a bien fait notre travail en proposant des matériaux vertueux et de qualité, ce n’est pas encore gagné pour que notre prescription soit entendue. Ca veut dire qu’il va falloir bien choisir ses partenaires, qu'ils soient ouverts au changement ou à comprendre les bénéfices de nos propositions. De même manière que l’on éduque parfois nos clients sur certains aspects, on doit aussi éduquer nos artisans à repenser leurs méthodes ou leurs fournisseurs de longue date, ce qui n’est pas toujours chose aisée. Alors bien sûr, quand je parle d’éducation, il ne s’agit pas de vêtir la blouse de la maîtresse d’école des années 50 et de leur taper sur les doigts avec une règle, entendons-nous ! Mais plutôt de leur démontrer que des alternatives existent, que ce soit dans le choix des peintures biologiques ou dans le choix de leur fournisseur de bois qui pourrait être plus local, par exemple. Certains n’ont simplement pas le temps de s’en informer, mais ça ne veut pas dire qu’ils sont imperméables au changement, donc à nous de leur prouver que notre super peinture écologique tire aussi bien que leur peinture chimique qu’ils ont toujours utilisée.
Passer le flambeau de la flamme verte aux artisans, c’est une première étape. Ensuite, tout ce qu’ils vont pouvoir faire dans une démarche environnementale est primordial, puisque c’est LA partie concrète du chantier, où l’on sort de la version papier du projet pour commencer à créer du déchet, du transport, et de l’énergie. Avant même de commencer à monter des cloisons ou à les peindre, les artisans sont généralement en phase de dépose, sur les chantiers de rénovation. Ca veut dire quoi ? Eh bien tout simplement qu’ils peuvent soit casser comme des bourrins, soit déconstruire proprement ce qui peut être réutilisé.
Et ce n’est pas parce qu’on n’a pas prévu de le réutiliser chez ce même client, que ça doit forcément partir à la benne. Il existe des recycleries un peu partout qui récupèrent les matériaux de chantier et qui font le bonheur d’autres personnes, qui achètent ce qu’ils y trouvent en stock et à bon prix. Quelques m² de vieux carreaux de ciment, un grand plan de travail en granit, des cloisons de bureau vitrées… c’est un peu leboncoin du bâtiment. D’ailleurs, c’est un cercle vertueux, puisque vous pouvez aussi aller sourcer vos matériaux dans ce genre d’endroits.
Et pour tout ce qui n’est pas récupérable, le tri sélectif, ça fonctionne aussi sur les chantiers. Tout ce qui peut être trié, revalorisé ou recyclé, c’est tout ce qui n’ira pas en site d’enfouissement.
Autre aspect non négligeable pendant le chantier : le transport. Exemple extrême : un maître d’œuvre fait intervenir une entreprise différente par lot, qui ont toutes répondu à un appel d’offre situé à plus de 50km, et dont les gars font la route tous les jours plusieurs fois parce qu’ils vont récupérer leurs matériaux à perpette et de manière désorganisée. Autre exemple : c’est une entreprise tout corps d’état qui intervient, qui a fait préalablement expédier les fournitures directement sur le chantier pour éviter les multiples allers retours des derniers kilomètres, car ils connaissent bien leur fournisseur local qui a attendu de tout recevoir pour faire un seul envoi. Désormais, chaque artisan peut aller sur le chantier en transport en commun ou à vélo, puisque tous les outils ont été amené en une seule fois au début du chantier. On est d’accord que ce n’est pas la même chose. Il n’est donc pas rare en tant qu’architecte d’intérieur d’avoir plusieurs équipes si l’on travaille sur une zone géographique importante.
Puis vient la fin du chantier, avec son lot de nettoyage. On repasse un coup de tri des déchets, on débâche, on dépoussière, on nettoie pour que ça brille après toute la poussière qui a volé… mais là encore, si on y va à coup de produits bien chimiques pour nettoyer un chantier qui est déjà en train de dégager des COV, bonjour l’accueil pour les propriétaires qui réinvestissent les lieux. La responsabilité environnementale d’un chantier, ce n’est pas seulement protéger la planète, mais aussi ses occupants, à commencer par ceux qui occupent directement les lieux que l’on vient de rénover.
On pourrait aussi évoquer les équipements des artisans, la consommation d’eau et d’électricité pendant le chantier, ou encore le choix des bâches de chantier… mais cette short list constitue déjà un bon point de départ à qui veut entamer une démarche de responsabilité environnementale sur ses chantiers.
Pour résumer, il s’agit avant tout de bien choisir ses artisans, c’est-à-dire des personnes ouvertes aux changements ou qui ont déjà mis en place des solutions écologiques dans leurs choix de matériaux et / ou dans leurs méthodes. Second point évoqué, le transport. Il s’agit encore une fois de bien choisir ses équipes, mais cette fois d’un point de vue géographique, et de leur proposer d’optimiser les transports de matériaux sur le chantier pour limiter les déplacements motorisés quand c’est possible. Ensuite, la déconstruction vs la démolition est à privilégier pour limiter, au même titre que le tri des déchets, l’enfouissement de ce qui ne sera pas conservé dans la suite du chantier. Et pour finir, être vigilant quant aux produits utilisés pour le nettoyage de fin de chantier est une façon de respecter les habitants des lieux et de ne pas polluer l’air intérieur.
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