Aujourd'hui, je pars à la rencontre de Nurra Barry, de Carbon Saver, pour une interview bas carbone 😉 Pour retrouver l'interview dans sa globalité, pensez à écouter l'épisode de podcast juste au-dessus !
Carbon Saver, l'application pour décarboner son chantier de rénovation
Nurra, peux-tu nous expliquer ce qu'est Carbon Saver ?
Bien sûr. Carbon Saver est une application web accessible via un navigateur Internet, sur téléphone ou ordinateur, qui aide les architectes à éco-concevoir, et plus précisément à faire des choix concrets, avant même de dessiner leurs projets. En fonction des espaces qu'ils rénovent, ils vont pouvoir choisir le matériau le moins impactant possible au niveau de l'environnement.
Par exemple, ils peuvent se demander "quelle matière vais-je choisir pour ma vasque ? Est-ce que je prends de la céramique, du béton, de l'inox...? Quel est l'impact ? N'étant pas ingénieur mais architecte d'intérieur, comment fais-je pour choisir ?". Grâce à Carbon Saver, ils vont avoir des réponses très simples et concrètes classées par ordre de préférence, en tenant compte du réemploi des matériaux, de l'impact environnemental et de la santé humaine.
Donc l'émission des COV est également prise en compte ?
Exactement. Il y a toute une liste de questions en fonction de ce sur quoi l'architecte d'intérieur va travailler, et si par exemple il y a de la peinture à prévoir, on va lui demander d'indiquer le taux de COV de la peinture qu'il a choisie.
OK, donc ça veut dire que vous questionnez sur les détails de la marque choisie et pas seulement sur le comparatif entre peinture vs papier peint ?
Pour le moment, c'est plutôt peinture vs papier peint ou autre type de revêtement, et plus tard, dans la version suivante, on va aller sur des informations très précises provenant des fournisseurs qui existent sur le marché.
Nurra, tu es toi aussi architecte d'intérieur. J'imagine que c'est ce qui t'a poussé à créer Carbon Saver. D'où vient ce projet ?
Le projet est né de mon propre vécu effectivement. Précédemment, j'avais aussi une startup dans le domaine de l'architecture intérieure qui réalisait près de 2000 projets sur toute la France. On avait totalement conscience du mal qu'on pouvait faire en termes d'impact environnemental, donc voir tout ce flux de déchets, de non-réemploi, ou même de difficultés à savoir quoi faire pour bien faire, c'est ce qui a fait naître Carbon Saver.
C'était "je veux des réponses simples, rapides, pour savoir comment mieux faire, sachant que je ne suis pas ingénieur et que les compétences qui sont nécessaires pour faire ces choix là sont des compétences d'ingénieur environnemental".
Par rapport à l'outil, si on peut parler de "scoring", est-ce qu'il est aussi bien utilisable pour l'habitat que pour les lieux professionnels ?
Bientôt ! Pour le moment, la solution en ligne est faite pour la rénovation de l'habitat individuel, mais la future version s'adressera aussi aux points de vente. Tout cela étant très peu réglementé, notre objectif est de s'y attaquer, puis plus tard, d'aller aussi vers la construction, que ce soit de l'habitat individuel, de l'ERP ou du bâtiment collectif.
Concrètement, quelles solutions l'application apporte aux architectes d'intérieur ? Il me semble qu'au-delà du bon choix, vous apportez une notion de conseil ?
Oui, le but est aussi de faire en sorte que l'architecte d'intérieur devienne autonome dans ses choix. A force d'utiliser l'application, il va savoir quel choix prioriser. On va aussi lui donner du contenu pédagogique, c'est-à-dire qu'à la fin de son parcours, une fois qu'il a décidé qu'il allait rénover une salle de bain, une cuisine et une chambre, il va avoir pour chacun des types d'espace, une explication de la note.
Donc quand il a une très bonne note, on va lui dire pourquoi c'est super, et quand il a une mauvaise note, on va lui expliquer pourquoi et quel est le meilleur choix possible dans cette situation donnée.
La dimension pédagogique est vraiment présente, afin de donner le pouvoir à l'architecte d'intérieur de faire ses choix de manière éclairée, et aussi d'être capable de transmettre à son client, le décideur final, le pourquoi de ces choix.
En effet, avoir des arguments factuels et faciles à comprendre face à des choix d'éco-responsabilité permet aux prescripteurs de plus facilement aborder cette notion auprès des clients, sans toutefois paraître maladroit.
Oui complètement, le but est de rendre ça simple, accessible, de ne pas faire peur, de toujours aborder les choses positivement vers le mieux possible, sans porter de jugement de valeur.
Les architectes d'intérieur face aux choix d'éco-responsabilité
Et justement, comment les prescripteurs vivent la notion de "note" ? Avez-vous eu des feedbacks sur leurs ressentis ?
Ce qui est intéressant avec Carbon Saver, c'est que depuis le début, on s'attache à toujours construire avec nos utilisateurs. Ce qui est en ligne aujourd'hui, il n'y a pas un écran qui n'ait pas été validé par la communauté d'architectes et architectes d'intérieur qu'on a construite autour du projet. On a fait des atelier qualitatifs en petits groupes pour déterminer les choses, et d'autres ateliers plutôt quantitatifs, où les gens votaient. L'objectif est que l'application soit la plus simple possible, pour ne pas créer de contrainte supplémentaire aux architectes, mais plutôt dans le but de leur apporter quelque chose.
D'accord, donc l'application n'est pas basée uniquement sur ta propre expérience, mais sur celle de tout un panel de professionnels.
En effet, autour de Carbon Saver, on a à peu près 700 architectes et architectes d'intérieur, et dans le travail de conception, on a travaillé avec environ une centaine de personnes. C'est vrai qu'au départ, je suis arrivée avec cette envie d'avoir une solution simple, et ensuite, avec la communauté, on s'est demandé comment aller plus loin concrètement. On a aussi travaillé sur un score environnemental, qui n'existait pas, et qui s'appelle le Bat'Impact.
On s'est dit qu'on voulait avoir le NutriScore de l'architecte d'intérieur, sauf qu'il n'existe pas. Derrière ce score, il y a des calculs très complexes, et pour ça, on a fait appel à des ingénieurs environnementaux de la coopérative Muu, qui eux ont fait un travail très détaillé de fourmi. On a utilisé une soixantaine de chantiers de rénovation représentatifs qui a servi de panel, et à partir de là, on a déterminé des moyennes, par des critères récurrents ou plus rares, qui étaient pourtant primordiaux pour déterminer l'impact, jusqu'à faire des calculs très poussés. Par exemple, on a calculé la distance entre le lieu de résidence de l'entrepreneur et le lieu du chantier, pour ensuite analyser le type de transport, de livraison des matériaux, etc. pour ensuite se rendre compte que 50% de l'impact carbone d'un chantier provient du transport.
Autre exemple, on a fait une analyse du cycle de vie (ACV) de chaque matériau présent dans l'application. Certaines données ont été facilement récupérables car normées, mais d'autres ont nécessité un vrai travail d'enquête car elles n'existaient pas dans les bases de données environnementales.
On n'a pas l'impression que derrière un outil aussi simple d'utilisation, il puisse y avoir autant de données !
C'est à l'image d'un projet d'architecture intérieure bien réalisé : on arrive, ça semble tellement évident, mais derrière il y a un travail monumental ! C'est vraiment l'objectif d'avoir quelque chose de simple sans que l'utilisateur se rende compte du travail que cela a demandé en amont.
Dans les options à venir, on pourrait imaginer une géolocalisation du projet pour déterminer des recycleries de proximité, par exemple ?
Effectivement. Aujourd'hui, dans l'application, pour calculer l'impact du transport, on va te demander si tu t'es fourni dans un rayon de moins de 50 ou 100 km, avec cette vision très macro. Demain, quand on sera capable d'aller sur des fournitures très précises, on va pouvoir faire ces calculs de manière encore plus précise et de proposer des matériaux de proximité pour chacun des chantiers, tenant compte de leur géographie.
On pourrait presque aller jusqu'à émettre un bilan carbone des chantiers, et il y a d'ailleurs pleins d'options à venir qui permettront d'aller encore plus loin.
Pour revenir sur le Bat'Impact, peux-tu nous en dire plus ?
Avec ce "NutriScore", on est allé voir le Ministère de la Transition Ecologique pour lui demander de le tamponner, afin de montrer que notre démarche était vraiment sérieuse. On a demandé à obtenir le label Green Tech Innovation, qu'on a obtenu, ce qui a été un soutien énorme pour apporter de la crédibilité au projet.
Aujourd'hui, la plupart des clients de Carbon Saver sont architectes d'intérieur. Est-ce qu'à terme, le particulier pourra également utiliser l'outil ?
C'est déjà le cas, avec une version gratuite. Elle permet de couvrir l'ensemble des pièces d'une maison en proposant des solutions pour savoir quoi faire. Les conseils données sont à la portée de tous en termes de compréhension. Quant à la version pro, elle est beaucoup plus poussée et permet de travailler sur plusieurs projets en simultanée, en équipe, etc.
Cela nous tenait à cœur de pouvoir donner dans ce sens, afin de contribuer à réduire l'impact environnemental du secteur du bâtiment, qui reste un des plus polluant.
Pensez à utiliser l'application Carbon Saver pour décarboner vos chantiers de rénovation 😉
Intéressant, cette application ! Je vais tester pour mon prochain chantier :-)